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Comment préserver la paix désormais menacée ?

[Cet édito est également disponible en ukrainien.]


Ce qui vient de se passer en Moldavie et en Géorgie, à l’occasion de l’élection présidentielle chez l’une et d’un scrutin législatif chez l’autre, devrait nous alarmer.

S’ajoutant aux ingérences prouvées en Europe comme aux Etats-Unis et, bien sûr, à la guerre illégitime en Ukraine, ce sont des agressions russes, hybrides ou ouvertes, qui attaquent franchement les démocraties occidentales. La Chine est à l’affût, ajoutant du carburant par son soutien à la guerre de Poutine et son espionnage tous azimuts. Les guerres se rallument partout sur la planète. Le fait accompli et l’usage de la force font, de nouveau, un retour brutal. Ils se rapprochent.

Les Européens, si fiers de la paix retrouvée après des siècles de déchirements, se sont laissé aveugler et manipuler par une coalition d’autocrates, rassemblant désormais nombre d’Etats-voyous qui prétendent en finir avec un ordre international fondé sur le droit.

Ne souhaitant pas faire la guerre et encore moins la provoquer, ce qui est d’une grande sagesse, mais assoupis dans un confort stratégique qu’ils croyaient immuable, les Européens ont et font encore preuve d’une faiblesse coupable envers ceux qui revendiquent ouvertement d’être leurs ennemis. La Russie bien sûr, mais aussi ses « clients » coréens, syriens, vénézuéliens, africains et même iraniens. Ils calquent bien trop leur comportement sur celui des Américains qui sont loin du champ de bataille et nourrissent d’autres légitimes préoccupations.

Cette attitude de ne pas « vouloir l’escalade » en réserve l’usage à nos adversaires, la provoque à coup sûr et entraîne peu à peu l’Occident vers des conflits ouverts de plus en plus inévitables. Une fois encore, l’Europe se retrouve au cœur d’une situation conflictuelle qu’elle ne veut pas et qui s’impose à elle.

Déjà l’Ukraine, qu’on a refusé de protéger et à qui on interdit de gagner sa guerre d’indépendance en limitant ses moyens, mais aussi la Moldavie qu’on soutient « à l’européenne », c’est-à-dire avec quelques crédits et beaucoup de bons mots, et plus récemment encore la Géorgie, dont la population se révolte avec des drapeaux européens…Toutes ont payé le prix de notre faiblesse.

Si nous continuons ainsi, nous serons les prochains à « passer à la caisse ».

L’histoire nous instruit de la règle immuable des relations entre puissances : seul le rapport de force protège. Seule la force dissuade.

Les Européens semblent se réveiller, bien tard, mais n’ont pas encore véritablement « sonné » le tocsin ». L’arrivée de la Corée du Nord sur le front ukrainien marque pourtant une internationalisation très dangereuse de cette horrible guerre.

La gravité de la situation internationale semble trop sous-estimée alors que chacun voit combien se multiplient autour de nous guerres et atrocités.

Réarmement, relocalisation et protection d’activités souveraines, échec aux menées subversives de plus en plus nombreuses, ont déjà marqué ces dernières années de l’Union européenne. Elle fait des efforts, les esprits évoluent mais au rythme de ses Etats membres peu désireux d’alarmer des opinions publiques divisées. Pour autant, ils ne sauraient suffire.

Les Européens doivent dissuader la Russie d’aller plus loin sans avoir peur de ses rodomontades en prenant le risque de lui envoyer un message fort et clair indiquant que nous ne laisserons pas plus longtemps les missiles aveugles continuer, à nos frontières, à tuer enfants et civils, à violer et torturer et la barbarie raser villes et villages. Sommes-nous prêts à quelque initiative déterminante, par exemple, à instaurer sur l’Ukraine une zone d’interdiction aérienne et à renforcer la police et l’armée moldaves de nos propres troupes ?

C’est pourtant à ce type de conditions que nous pourrons mettre fin à ce conflit sanglant et persuader tout autre agresseur potentiel, en Europe ou dans le Pacifique, que nous ne laisserons pas détruire la démocratie et reculer les libertés.

Il est encore temps de gagner la prolongation de la paix que nous souhaitons en nous préparant au pire, c’est-à-dire la guerre que nous ne voulons pas.
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